Interview voyageur : Le voyage déstructuré d’Enzo, au jour le jour et au gré des rencontres

Enzo aurait pu, comme tout le monde, se chercher un emploi après l’obtention de son diplôme à Montréal. Enzo aurait aussi pu, comme beaucoup, décider de prendre une pause d’un an pour voyager, avant de se lancer dans la jungle professionnelle. Mais non, Enzo a décidé, comme peu le font vraiment, de suivre ses envies profondes et de voyager sur une longue durée, sans pression, sans réel itinéraire, au gré des rencontres, des événements, et surtout, au gré de ses envies. Juste avant de (re)partir pour l’Océanie, deuxième grande étape de son voyage déstructuré, il nous raconte la première partie de son périple, qui l’avait mené en Amérique du Sud en 2017. Il avait choisi Zip World pour cette portion-là, et plus précisément, l’itinéraire suivant : Paris – Bogota // Santiago – Hanga Roa (Île de Pâques) – Santiago // Bogota – Paris.

Salut Enzo ! Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
J’ai passé une grande partie de ma vie en France ; 22 ans dans le 92 pour être exact. Après mes deux années d’IUT, j’ai choisi de commencer un cursus de psychosociologie à l’université de Montréal, au Québec. Une première belle expérience qui a clairement renforcé mon envie d’aller voir ailleurs. Quatre années plus tard (fin 2016) je finissais mon cursus de psychosociologue et je commençais mon voyage.

Quel était ce projet de voyage ?
L’envie de voyager était pour moi l’occasion d’en apprendre plus sur les différentes cultures et façons de vivre possibles. J’ai toujours été fasciné par les différents modes de vie que le monde propose, il ne restait qu’à faire le déplacement. Le contexte de fin d’études me proposait donc trois options : trouver un job, continuer toujours plus les études, ou bien mettre en pratique ces années d’études enfin d’aller vérifier ce que la vie propose, ailleurs.

Bon, force est de constater que c’est le troisième point qui m’a semblé le plus excitant. Je m’étais, au départ, plutôt renseigné pour faire un vrai « tour du monde », le classique, en incluant l’Amérique du Sud, l’Océanie, L’Afrique et l’Asie. Puis au fur et à mesure de mes recherches et de ma préparation, je me suis vite rendu à l’évidence : en 8 mois de voyage (temps que j’avais à ma disposition à ce stade-là de ma réflexion), je ne pouvais absolument pas faire tout ce que j’avais prévu. Nouveau choix : voir plus de pays OU passer plus de temps par pays ?

En Colombie
En Bolivie

Et finalement ?
J’ai choisi la deuxième option ! Je suis parti sept mois et j’ai visité la Colombie (3 mois), le Pérou (1 mois et demi), la Bolivie (1 mois), le Chili et l’Île de Pâques (1 mois ½) et les Îles Galápagos en Équateur (10 jours).

Pourquoi avoir choisi d’en voir moins et de passer plus de temps dans chaque pays ?
Voyager lentement, c’est prendre le temps. C’est, à mon sens, la chose la plus importante dans un voyage. Par exemple, dans chaque nouvelle ville où j’arrivais, je prenais l’habitude de savourer l’instant, en m’installant à un café quelques heures par jour, juste à observer les tables qui m’entouraient ; ou à prendre le temps d’écrire ce qu’il se passait dans mes journées, ou à bouquiner, ou encore à demander des nouvelles aux copains… Et cela me confortait dans mon choix d’être parti en voyage. J’ai également fait deux volontariats de trois semaines. Le premier à Bogotá dans une auberge de jeunesse, ce qui m’a permis de commencer à baragouiner l’espagnol, un détail important tout de même ; et le second au Chili, chez une famille qui pratiquait la permaculture ; tout un art de vivre que j’affectionne beaucoup !

Comment résumerais-tu ces sept mois de voyage en Amérique du Sud ?
Mmh, la plus belle expérience de ma vie ? Je me souviendrai toujours d’une pensée persistante, que j’ai eue durant mes nombreuses sessions de révisions de partiels. Un de ces moments, où tu te demandes pourquoi tu ne partirais finalement pas tout de suite à la gare la plus proche, prendre un train quelconque, et on verra demain pour le reste. Bon. Je n’ai pas pris de train, mais me suis promis que DÈS l’obtention de mon diplôme, je vivrais enfin pour moi. Je prendrais le temps de vivre à ma manière, j’irais où j’ai envie d’aller, me cultiverais sur les sujets qui m’intéresse. En bref, je reprendrais le contrôle, plutôt que d’avoir la sensation de toujours devoir faire ce que l’on attend de moi. Et bien c’est exactement la sensation que j’ai eue durant ces sept mois. Bien sûr, tu te plantes à certains moments, tu as des coups de blues… Mais d’une certaine manière, tu t’es mis là dedans tout seul, et tu t’en sortiras de même.

Avec les lions de mer aux Galapagos
Avec les lions de mer aux Galapagos

Tu es rentré en France depuis quelques mois maintenant, qu’y fais-tu et que prévois-tu pour la suite ?
J’ai financé mon voyage durant mes études, mais ne pensais pas tout dépenser non plus… Et bien si, en fait ! Je suis rentré en France principalement parce qu’un très bon ami se mariait, et c’était manifestement le temps pour moi de repenser le financement de la suite des aventures. Le timing convenait très bien. J’ai donc rapidement trouvé un job de barman à Paris, puis après quelques mois, j’ai pu reprendre la suite du programme d’exploration.

Ton projet de voyage ne s’est donc pas terminé à l’issue de ces sept mois ?
Eh non ! Ces sept mois ont été tellement enrichissants, que l’envie initiale d’aller voir ailleurs ce que la vie propose ne fut que bien trop stimulée. Dans le fond, j’ai simplement fragmenté l’idée du tour du monde en un an, pour le faire en plusieurs parties. Départ pour la seconde partie, à la toute fin février 2018 ! Cap sur l’Océanie. 🙂

Quels bénéfices retires-tu du « slow travel » ?
Si je devais faire une belle généralité, je dirais que selon moi, le « slow travel », c’est faire le choix du qualitatif sur le quantitatif. Bien entendu, je suis persuadé que tous les voyageurs ayant choisi de faire un « tour du monde » d’un an ont énormément appris, et ont découvert une multitude de facettes de la vie également. Mais si tu t’intéresses à la culture, aux locaux, à l’histoire des lieux, tu ne peux pas te contenter uniquement des beaux paysages accessibles à la « va vite ». Viser large au niveau de ton timing, ne pas booker trop à l’avance tes auberges, bus, vols, etc, cela te permet une plus grande flexibilité et une plus grande liberté. Je ne compte plus les villes dans lesquelles je pensais faire un simple arrêt et où je suis finalement resté une bonne semaine. Et puis tu n’es jamais à l’abri d’une belle rencontre avec laquelle tu changeras quelque peu ton itinéraire…

Enzo et son père lors de leur voyage en Amazonie
Enzo et son père, en Amazonie

Quelles sont tes plus belles anecdotes de voyage (rencontres, événements, etc) ?
Oulala, il va falloir faire un tri… Bon, déjà, le festival de Barranquilla, en Colombie : troisième plus grand carnaval du monde, je n’avais que très peu d’attentes, et pourtant, les 5 jours que j’ai passés là-bas furent parmi les plus magiques que j’aie pu vivre. L’ambiance familiale, chaleureuse et accueillante qui y règne est complètement incroyable. On croirait que la ville entière s’est transformée en un formidable festival, toute la ville danse, t’attrape par la main, t’offre à boire, les Barranquilleros te présentent à leurs amis et c’est réparti pour une danse. C’est clairement un de mes plus beaux souvenirs.

Il y a aussi la rencontre avec José Roberto Cruz, un artiste qui habite à Villa De Leyva, magnifique petite ville coloniale aux alentours de Bogota. Ce vieux bonhomme m’a approché alors que je photographiais des sculptures dans un parc ; il s’est avéré que c’était SES sculptures. Il m’a invité à prendre un café et nous avons discuté toute l’après midi dans sa maison « El corazón del Amor », sur l’amour, la vie ici, la vie ailleurs… Je n’étais en Colombie que depuis quelques semaines et bredouillais plus que ne parlais réellement espagnol et pourtant… « Le cœur n’a pas de langage », me disait-il quand il me voyait gêné de mimer une phrase pour la troisième fois. Je ne sais pas ce qu’il a retenu de moi, mais il reste une de mes plus belles rencontres.

Bon je pourrais aussi raconter les fois ou je me suis fait courir après par une meute de chiens, les incroyables treks que j’ai fait avec un de mes meilleurs potes au Pérou, ou encore les soirées « fête du village » en Bolivie, où la grand-mère danse avec toi pendant que son mari urine gaiement en plein milieu du « dancefloor », mais sorti de son contexte, cela serait un peu réducteur.

Enzo et José Roberto Cruz à Villa de Leyva
Avec José Roberto Cruz, l’artiste de Villa de Leyva

Avais-tu des craintes avant de partir ?
Très honnêtement, pas vraiment. Je ne suis pas de nature anxieuse et suis très optimiste sur le monde qui m’entoure. Oui, sauf peut-être envers les chiens errants. Non vraiment, je suis arrivé renseigné, avais rencontré beaucoup d’autres voyageurs, puis faisais confiance à mes facultés d’adaptation, dirons-nous.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite aller découvrir l’Amérique du Sud tout seul et en prenant son temps ?
Tu m’emmènes ? 🙂 Pour ce qui est de découvrir l’Amérique du Sud tout seul, fonce ! Que tu sois une femme, un homme, jeune ou moins jeune, j’ai rencontré tellement de profils différents qu’il est impossible de faire une généralité. Ne te fie surtout pas à la médiatisation dont souffrent certains pays. La Colombie ne ressemble en rien à Narcos, et les Péruviens n’ont pas de lama en guise de chat. Consulter des blogs et guides de voyage, demander conseils à des gens qui y sont déjà allés, arpenter les forums, cela reste une super sources d’informations afin de se faire une idée.

Pour ce qui est de prendre son temps, je te dirais que cela représente pour moi un des meilleurs compromis entre le PVT (Permis Vacances Travail), qui permet de prendre un an pour bien connaître un pays tout en gagnant de l’argent de temps en temps, et le VVV (Voyage Vite Vite) qui te permettra d’avoir plein de nouveaux tampons sur ton passeport, certes, mais avec lequel tu n’auras que très peu de temps pour toi. Et avoir du temps pour soi, c’est l’une des clés d’un voyage réussi.

En Amazonie
En Amazonie

Ta vision de la vie a-t-elle changé en voyageant ?
Elle s’est trouvée toujours plus confortée, rencontre après rencontre. Plus j’apprends à connaître l’Homme et le monde qui nous entoure, plus je réalise à quel point il est important de prendre conscience que nous avons tous un rôle à jouer quant à sa préservation. Voyager permet de côtoyer toutes sortes de personnes incroyables, de découvrir leurs cultures, ainsi que toutes les richesses quotidiennes que la vie propose. Voyager à son rythme, sans pression externe autre que celle que l’on aura décidé de s’imposer, permet d’en savourer chaque instant.

Autre chose à ajouter ?
Merci ! J’ai pris bien du plaisir à me replonger dans cette dernière année :). Je rajouterais peut-être de ne surtout pas sous-estimer le pouvoir que peut avoir un OUI alors que l’on hésite, et que le monde est un lieu accessible pour quiconque désire le rencontrer.

Ce contenu a été vérifié et mis à jour le 18 octobre 2023.

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