Karine, Ahmed et leurs 5 enfants : une famille pas comme les autres à l’école de la Vie

La famille Benabadji n’est pas une famille ordinaire ; Karine, Ahmed et leurs 5 enfants – Oriane, Solen, Yanis, Nayla et Ilyan – ont fait un choix hors du commun, celui de parcourir le monde pendant 1 an à la rencontre de cultures différentes et d’habitants engagés. Dans ces villages des 4 coins du monde qui ont fait le choix de l’autonomie et du développement durable, la famille apprend, découvre, et met la main à la pâte, dans un souci évident de transmission et d’apprentissage. L’idée ? Découvrir ces précurseurs du mieux-vivre et leurs techniques de vie responsables, et ce, au-delà de nos frontières. Nayla et Ilyan, les benjamins de la famille, expliquent très bien l’essence du projet dans cette vidéo bande-annonce :

La famille a choisi Zip World pour ce tour du monde hors des sentiers battus. L’itinéraire de leurs vols principaux est le suivant : Paris – Entebbe – New Delhi – Hong Kong // Manille – Sydney – San Jose – Cancun – Bogota // Quito – Lima – São Paulo – Paris. Ils ont dû ajouter quelques vols indépendants afin d’atteindre tous les villages qu’ils ont prévu de visiter ; notamment pour le Sénégal, le Vietnam, et la Nouvelle-Zélande.

Bonjour la famille Benabadji ! Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Karine : Ahmed a grandi au Maroc et nous nous sommes rencontrés en France pendant nos études. Nous nous sommes d’abord installés au Maroc, puis avons vécu 3 ans à Boston et 5 ans à Paris avant de venir nous réinstaller au Maroc, définitivement cette fois. Nous vivions à Mohammedia, près de Casablanca mais avions une oliveraie au Sud de Marrakech, où nous passions de nombreux week-ends. En 2013, nous décidons de nous installer à temps plein sur l’oliveraie, ayant, pour ma part, obtenu un poste sur Marrakech. Depuis 2013, Ahmed et moi vivons avec les deux plus jeunes, Ilyan et Nayla, dans la vallée de l’Ourika, au Sud de Marrakech, au Maroc. Ahmed est consultant et voyage beaucoup ; moi je suis enseignante d’anglais. Ilyan et Nayla sont en CM1 à l’école française à Marrakech. Nous avons fait le choix de faire le trajet quotidiennement de 35 kilomètres pour rester vivre sur notre oliveraie. Nous sommes en pleine nature, assez isolés, dans un endroit paradisiaque.

Présentation de la famille Benabadji

Oriane : Je m’appelle Oriane, je suis la soeur ainée. J’ai 24 ans et je sors d’école de commerce. J’ai fait la majorité de mon parcours en apprentissage. Juste avant de partir, je travaillais en communication chez Nikon, ce qui m’a naturellement menée à gérer la partie photo de ce voyage. Je vivais en coloc à Paris dans le 20ème. C’était plutôt chouette mais un peu étouffant au bout de 3 ans.
Solen : Je m’appelle Solen, 22 ans, n°2 de la famille. Je voyageais déjà depuis deux ans avant que l’on commence ce tour du monde. Je suis allé en Australie et en Amérique du Sud pendant ce temps, et je suis passionné de musique.
Yanis : Yanis, 18 ans, bachelier. Je vivais à Casablanca avant ce voyage. Je suis quelqu’un de manuel et qui aime bien bricoler.
Nayla : Je m’appelle Nayla, j’ai 10 ans, je suis en CM2, je vis à Marrakech et ma passion c’est l’équitation et les animaux en général.
Ilyan : Je m’appelle Ilyan, j’ai 10 ans, je suis en CM2.

Pouvez-vous nous présenter votre projet de voyage ?
Ahmed : C’est un voyage en famille pour contribuer à changer le monde, rien que ça !
Karine : Le point de départ a été la découverte d’un village exceptionnel et l’impact que cette rencontre a eu dans notre vie de famille. Depuis 12 ans, nous passons beaucoup de temps dans la région de l’Ourika, faisons des treks et nous avons découvert il y a 10 ans le village de Tizi n’Oucheg. Depuis, nous passons beaucoup de temps dans ce village qui est exemplaire. Nous nous sommes naturellement intéressés à leur mode de vie, à leur histoire et cela nous a inspiré pour nous-mêmes. Sous la direction de Rachid Mandili, un guide du village particulièrement actif et passionné, nous avons lancé de nombreux projets pour améliorer les conditions de vie des habitants dans un souci de durabilité : un gîte rural, une crèche, un atelier de tapis, la production de confitures bios, la plantation d’arbres fruitiers, le traitement des eaux usées… Nous avons vu se transformer le village grâce à l’implication de ses habitants et le développement d’un tourisme « concerné ». Nous avons fait découvrir le village à tous nos amis, notre famille, mes classes. Et le bouche à oreille a très bien fonctionné. Chaque visiteur est conquis et revient avec d’autres amis, s’implique dans les projets.
Solen : En parallèle du projet familial, mon projet de voyage est la production d’un recueil de musiques traditionnelles (1 chanson par pays) pour faire découvrir au monde des chants, instruments et styles musicaux qui tendent à disparaître.

Soler joue de la musique en compagnie d'un Sénégalais, à Enampore
Au Sénégal

Yanis : Pour moi notre projet de voyage est un retour aux sources, et veut également inciter les gens à revenir à une vie plus simple.
Nayla : Nous voyageons pour voir les villages qui arrivent à vivre en autonomie. Après, on les aide en leur donnant des idées que l’on a récupérées dans les autres villages.
Ilyan : Notre projet, c’est de trouver des villages isolés dans des coins paradisiaques et d’essayer d’apprendre leur savoir-faire pour le transmettre dans d’autres pays.

L’autonomie, le développement durable, la quête du bonheur, une vie proche de la nature, le savoir-faire ancestral, ce sont des thématiques qui vous interpellent depuis longtemps ?
Ahmed : En réalité, c’est une conscience un peu confuse et diffuse au départ qui s’est vraiment clarifiée à partir du moment où nous avons décidé d’aller nous installer à la campagne. Le travail de Karine avec le village de Tizi n’Oucheg a grandement contribué à mettre en avant l’importance de la simplicité comme art de vivre et le partage des savoir-faire (pas nécessairement anciens) comme moyen de parvenir à conserver sa culture sans pour autant rejeter le changement et l’innovation.
Karine : Sobriété heureuse, agroécologie, autonomie, solidarité… oui, et plus on s’y intéresse, plus on se dit qu’on est sur la bonne voie. En fait, c’est voyager qui nous a fait nous y intéresser. Aux Etats-Unis, nous avons découvert la sobriété (bizarrement) ; dans notre oliveraie, la vie avec la nature ; à Tizi n’Oucheg, la culture berbère et l’autonomie ; et partout l’importance de rencontrer de nouvelles personnes et de s’enrichir de nos différences.

Maisons traditionnelles lepcha, à Duka, en Inde
Maisons traditionnelles lepchas, à Duka, Inde

Oriane : On a été éduqués par nos parents, donc je crois que l’on n’a pas eu trop le choix ! Après on le vit tous assez différemment, je pense. Je ne suis sûrement pas la plus aventurière mais j’ai l’habitude de m’adapter assez vite et je suis curieuse, donc je passe vraiment un très beau voyage. Je ne suis pas non plus vraiment citadine, et après Paris ça me fait du bien de revenir à une vie plus simple et plus saine.
Solen : Pour ma part, non. Je ne savais pas trop où j’allais, pourquoi je faisais les études que je faisais et je n’avais pas beaucoup d’intérêt pour l’environnement avant de partir voyager. En revanche je suis très impliqué dans toutes ces thématiques aujourd’hui.
Nayla : Vivre sans avoir besoin de tous les autres, protéger la nature et les animaux, c’est mieux. Si personne ne sait plus rien faire, ils ne peuvent pas vivre longtemps.

Comment avez-vous pris la décision de ce grand voyage à 7 ? Tout le monde y a-t-il adhéré tout de suite ?
Ahmed : Oui. C’était exactement le moment où tout le monde pouvait le faire. Il n’y a pas eu de débat sur l’opportunité de lancer ce projet, tout le monde en avait envie !
Karine : Je crois beaucoup aux signes et quand la même année, en 2013, j’ai eu un poste à Marrakech qui me permettait de me rapprocher de Tizi n’Oucheg et reçu une somme d’argent conséquente, j’ai tout de suite pensé à un voyage en lien avec ce village. J’en ai parlé à toute la famille et nous avons réfléchi à quel voyage et quand. Très vite, nous avons opté pour un tour du monde en 2015/2016. Cela nous laissait le temps de nous préparer, de définir un vrai projet et de ne pas perturber les études des uns et des autres.
Oriane : On a toujours entendu l’idée de partir faire un tour du monde un jour, mais c’était un des nombreux délires familiaux. Le déclic a vraiment eu lieu grâce au village de l’Atlas avec lequel Maman travaille essentiellement depuis 10 ans. On y a tous passé pas mal de week-ends ou vacances, et ça nous a donné envie de voir ce qu’il se passait ailleurs, dans des communautés semblables.

La famille Benabadji lors d'un safari au Parc national M'buro, en Ouganda
Safari au Parc national M’buro, Ouganda

Solen : L’idée vient de Maman mais tout le monde a accepté sans trop d’hésitation. Moi, vu que je venais d’étendre mon année sabbatique en une deuxième, je m’inquiétais quant à la reprise de mes études après une troisième année de voyage mais ça ne m’aurait pas fait refuser l’opportunité pour autant.
Yanis : Oui, ça fait longtemps que l’on se dit que l’on doit voyager dans telle ou telle région du monde. Du coup l’idée du tour du monde a été très bien accueillie par tout le monde.
Ilyan : Oui, parce que depuis que maman a dit le mot « tour du monde », j’ai pensé à tout ça et je me suis dit que j’allais voir des paysages et des gens incroyables, que je verrai une seule fois dans ma vie.

Quelles sont les grandes étapes de votre voyage, et quelles communautés prévoyez-vous de rencontrer ?
Karine : En septembre nous étions en Casamance (Sénégal) dans la communauté Diola. En octobre, en Ouganda où malheureusement, le village n’était pas du tout « open » ! En novembre, en Inde chez les Lepchas. En décembre, au Vietnam chez les Daos. En janvier, nous serons aux Philippines. En février, nous partirons pour la Nouvelle Zélande, en mars au Costa Rica, en avril/mai au Mexique, en juin en Colombie, en juillet au Pérou, et en août au Brésil.

Les femmes d'Enampore, au Sénégal, travaillent dans les rizières
Enampore, Sénégal

Comment avez-vous sélectionné ces étapes, ces villages, ces communautés ?
Ahmed : 2 ans de recherche, par bouche à oreille essentiellement. Nous avions un « cahier des charges » assez précis.
Karine : Nous avons contacté dès 2013, tous nos amis, famille, contacts et raconté notre projet. Au fur et à mesure des discussions, nous avons redéfini le projet pour qu’il soit plus cohérent. Nous avons créé le concept d’open-village, des villages qui font le choix d’un développement autonome avec le souci de l’environnement et qui veulent partager les bonnes pratiques. L’idée est de créer une communauté de personnes qui dans leur village, leur quartier, leur vie ont des rêves d’autonomie et souhaitent les partager.
Solen : Les voyageurs surtout. Ceux qui ont voyagé sont souvent attiré par ce genre de communautés et donc en connaissent une, ou connaissent quelqu’un qui connait quelqu’un… On a trouvé en demandant à absolument toutes nos connaissances.

Qu’espérez-vous de ce périple en allant à la rencontre de l’Autre ?
Ahmed : Je dirais plutôt « des Autres », tant les communautés que nous rencontrons sont différentes. Ceci dit, les problématiques rencontrées et les solutions mises en œuvre sont étonnamment semblables voire parfois identiques. Notre espoir est qu’en partageant ce que nous apprenons au cours de ce voyage, des communautés seront inspirées à essayer d’autres voies (pas nécessairement d’ailleurs celles que nous aurons présentées), des voies plus respectueuses de la nature et de l’humain.
Karine : Beaucoup. L’Autre nous fait grandir et nous enrichit. Nous apprenons tous les jours sur les autres et sur nous-mêmes. Les personnes que nous côtoyons vivent en harmonie avec la nature et en autonomie. Cela nous ramène toujours à l’essentiel et à l’équilibre.

Oriane et "Dadi" à Pedong, en Inde (à gauche) et Ilyan et Nayla qui font de la peinture avec une petite fille, en Inde (à droite)
Oriane et Dadi à Pedong, Inde (à gauche) ; Nayla et Ilyan à Maria Basti, Inde

Oriane : Apprendre, surtout.
Solen : Apprendre, surtout. Penser que notre système ne fonctionne pas et que la solution se trouve dans les villages est une chose, aller s’en rendre compte en est une autre. On voit que tous ces villages fonctionnent tous de manières très différentes : il y a beaucoup de choses à prendre, de choses à ne pas faire et surtout beaucoup de bonnes solutions.
Yanis : Découvrir d’autres façons de vivre. Comprendre que notre système actuel n’est pas l’unique possible et pas forcément le meilleur.
Ilyan : Les autres me montrent des choses que je ne connais pas, et moi aussi je leur apprends de nouvelles choses. Par exemple, en Casamance, je suis parti aux pâturages avec les garçons de mon âge et moi je leur ai appris des mots de français.

Que pensez-vous que ce voyage apportera à chacun de vos enfants ?
Ahmed : Des souvenirs en famille, une expérience humaine unique, l’envie de participer au nécessaire « changement du monde », la foi que cela est possible.

La famille Benabadji et leurs amis indiens à Pedong, Inde
En Inde

Karine : Enormément. Nous passons un an avec 10 kg de bagages chacun et cela est suffisant. Nous nous adaptons à tous les modes de transport, nous mangeons ce qu’il y a, nous dormons dans des conditions très sommaires et même si on rêve parfois d’un bon tagine et d’un lit douillet, nous nous rendons compte que ce confort est secondaire et tout ce que l’on fait à côté compense de loin nos petits caprices. Nous nous retrouvons tous les 7, H24, et c’est l’occasion de mieux se connaitre, de bien profiter des uns et des autres, d’appliquer au quotidien les valeurs de respect et de liberté. C’est parfois un peu dur pour les jeunes adultes mais nous sommes chacun suffisamment autonomes pour éviter les tensions. Par exemple, Solen vient de partir deux jours à Hanoi, seul, pour faire un peu de musique.
Solen : En ce qui me concerne, une ouverture d’esprit, des projets d’avenir… et l’envie de continuer ce travail d’autonomie ?
Yanis : Pour moi, apprendre autrement, découvrir des choses simples de la vie courante, prendre conscience des modes de vie différents.
Nayla : Des choses biens ! Vivre avec la nature, pas trop d’école pendant un an, voir d’autres gens, apprendre leur histoire, leur façon de vivre, se faire de nouveaux amis.
Ilyan : Je pense que ce voyage va m’apporter beaucoup de richesses à l’intérieur de moi parce que je vais apprendre plein de choses.

Nayla joue avec la petite Clémence, à Enampore, au Sénégal
Au Sénégal

Pensez-vous qu’il soit possible de vivre de façon autonome aujourd’hui en France ?
Ahmed : Très bonne question car une bonne partie du public que nous visons est justement constitué par tous ceux qui subissent la crise économique et qui ne voient pas comment il serait possible de « faire marche arrière ». Nous voulons justement montrer qu’il n’est pas nécessaire de retourner à l’âge des cavernes mais qu’une certaine sobriété est possible, qu’elle n’interdit en rien le bonheur, au contraire, et que des solutions (parfois d’ailleurs technologiques) existent pour nous y aider, plus encore d’ailleurs dans nos pays riches que dans les pays en voie de développement. Cependant, il est vrai que nous ne savons plus fonctionner comme cela : nous sommes aujourd’hui dépendants de tant de choses (les machines, le travail, les services sociaux de l’Etat, la santé publique,…) qu’il va être nécessaire de faire confiance un peu plus à la vie et à nous même et un peu moins à toutes ces « béquilles » dont on croit qu’elles nous facilitent l’existence mais qui en réalité nous rendent dangereusement dépendants. De toute manière, on ne va bientôt plus avoir les moyens de payer ou d’entretenir tous ces services ; on le voit déjà aujourd’hui avec la santé et les retraites. Finalement, la question pour nous n’est pas de savoir si l’autonomie est possible car en réalité nous n’avons pas le choix. La question est plus de savoir quand nous allons enfin nous décider à changer et quelles sont les solutions qu’il va nous falloir mettre en œuvre pour assurer une transition la moins brutale possible vers l’autonomie. Si il y a un premier pas à faire dans ce sens, c’est celui, tout simple mais fondamental, de créer du lien autour de soi c’est à dire de « faire communauté ». Cela peut se faire avec sa famille, dans sa rue ou dans son quartier, ou même avec ceux qui partagent la même cage d’escalier. Car si il y a une chose que nous avons déjà apprise dans ce voyage, c’est qu’il n’y a pas d’autonomie possible sans une très forte solidarité. Contrairement à ce que l’on croit généralement, l’autonomie est le contraire de l’individualisme. Elle n’est possible que dans le partage et l’entraide.

Yanis et Ahmed lors d'une balade dans l'Himalaya, en Inde
En Inde

Karine : De plus en plus de personnes se lancent dans cette aventure d’autonomie et ne le regrettent pas. Ils se rapprochent de la nature, partagent leurs richesses localement, développent le troc, créent leur énergie, développent l’enseignement à la maison. En France, l’école est gratuite et c’est le principal pôle de dépense de toutes ces communautés que nous rencontrons et qui vivent en autonomie. Il est donc tout à fait possible de vivre de façon autonome et si cela nécessite trop d’engagement, on peut au moins aller dans ce sens. C’est à mon avis la seule issue des décennies à venir.
Oriane : Nous connaissons déjà des communautés qui fonctionnent comme ça. Après, dans les villes, on peut s’inspirer de quelques idées, se rappeler déjà que les ressources sont épuisables (eau, électricité, nourriture) ; ce serait un bon début.
Solen : Ceux qui le souhaitent peuvent tout à fait vivre de façon autonome. Il faut juste mettre de côté le système français qui mène à tout sauf à l’autonomie.
Yanis : Oui, tout est possible si on s’en donne les moyens ! Pour vivre de façon autonome en France, il faudra cependant changer beaucoup d’habitudes que l’on a prises avec notre façon de vivre actuelle…

Yanis sur le Lac M'buro, en Ouganda
Sur le Lac M’buro, Ouganda

Aviez-vous déjà beaucoup voyagé en famille avant ce grand voyage ?
Ahmed : Non. C’est le premier vrai voyage à 7. Les autres fois n’étaient que de simples déplacements d’un point à un autre.
Karine : Nous avons vécu dans plusieurs pays et avons beaucoup voyagé en France et au Maroc.
Oriane : Pas particulièrement. Cela fait 10 ans que je n’habite plus à la maison, donc je passais souvent mes vacances en famille tout en restant à la maison, au Maroc.
Solen : On a habité dans plusieurs pays et pendant les grandes vacances on se retrouve toujours quelque part donc oui, on peut dire qu’on a déjà beaucoup voyagé ensemble.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans le cadre d’un voyage à 7 ?
Ahmed : Sans doute de se déshabituer de ses propres routines et d’accepter celles des autres.
Karine : Pour moi, tout est facile. J’ai toute ma famille avec moi pendant une année entière et je sais que cela ne se reproduira plus. Je profite de chacun, tous les jours, consciente de cette chance.

Karine et Ilyan au bord du Lac M'buro, en Ouganda
Karine et Ilyan au Lac M’buro, Ouganda

Oriane : La logistique.
Solen : Plusieurs choses. Parce que je pense que mes frères et sœurs parleront de la cohésion au sein de la famille, je parlerais de l’organisation qui n’a rien à voir lorsque l’on voyage seul. J’ai toujours aimé partir dans un pays sans le connaître et tout découvrir sur place, en discutant avec les locaux et avec les autres voyageurs que je rencontrais sur place. En clair, aucune organisation. A 7 c’est plus compliqué, on est obligé de s’organiser, s’assurer d’avoir toujours un endroit où dormir réservé à l’avance… Et puis, c’est plus difficile de faire des rencontres, de se faire inviter chez l’habitant à boire le thé ou pour un repas, quand on est une tribu comme nous ! On s’en sort quand même très bien, on a rencontré plein de monde et on sait se séparer aussi sur des courtes durées quand on veut pousser l’expérience un peu plus loin.
Yanis : Le plus difficile est de tous bien s’entendre. Mais aussi faire les choses ensemble, tout en ayant la possibilité d’avoir des moments pour soi.
Nayla : S’entendre avec tous les autres. Parfois ils crient.
Ilyan : Le plus difficile c’est de passer dans les aéroports, parce que c’est très long.

Comment s’est passée la préparation/l’organisation d’avant départ ? Chacun a-t-il mis la main à la pâte ?
Ahmed : Chacun, dans la mesure de ses compétences et du temps qu’il avait de disponible, a travaillé au projet. Yanis passait son bac, il a donc été dispensé de participation (même si il a donné des coups de mains ponctuels). Oriane a participé à la conception de la communication autour du projet et à la recherche des villages. Solen a géré le délicat et complexe dossier des visas. Karine s’est occupée de l’énorme dossier « logistique » (billets d’avion notamment avec Zip World et hébergements), quant à moi, je me suis occupé des dossiers de communication, du développement du site Internet (qui n’est toujours pas en ligne malheureusement) et des relations avec les médias.
Karine : Nous avons commencé 2 ans avant le départ. Pendant un an et demi nous avons uniquement cherché des villages et redéfini le projet au fil de nos discussions avec les uns et les autres. A partir de février 2015, nous nous sommes réellement mis au travail. Oriane, la communication (son domaine), Solen les visas et moi le trajet. Yanis est dispensé, il prépare son bac et Ahmed qui est un peu débordé par son travail s’occupe du site Internet. Il travaillera, comme Oriane, jusqu’au mois d’août pour assurer le retour. Nous avons une oliveraie mais aucune réserve pour la suite !
En plus, nous nous sommes répartis les villages entre les 5 « grands », pour s’informer, planifier, organiser notre passage. Les petits suivaient cela de loin mais toujours enthousiastes à l’idée de « rater une année d’école » et de retrouver leurs frères et sœur pendant une année.
Oriane : Chacun avait un rôle ; on s’est séparés les pays à gérer, moi je me suis concentrée sur le Costa Rica et le Mexique. A côté de ça, je m’occupe de la photo, de l’animation de la page Facebook et du compte Instagram. Mais Maman était vraiment le grand Manitou, c’est elle qui a eu le plus de boulot.

Oriane et la petite Clémence, en compagnie de Marie-Antoinette, à Enampore, au Sénégal
En Ouganda

En parlant d’école, comment se passe cette année d’école par correspondance pour les deux plus jeunes, Ilyan et Nayla ?
Karine : L’école par correspondance est une très belle expérience. Nous arrivons à suivre le rythme à raison de 3 heures par jour le matin. Nous nous sommes répartis les matières : Ahmed fait les sciences et la géo, Solen et moi le français, Yanis et moi les maths, Oriane l’histoire. L’anglais se fait tout seul. Si nous sommes en voyage ou en rando ou dans un endroit où il est impossible de travailler, nous reportons l’école au lendemain. Nous n’avons plus de découpage avec pause les week-ends et les vacances. Nous faisons l’école tous les jours où nous pouvons la faire et au final cela revient à 5 jours par semaine, 3 semaines par mois. Les enfants sont enchantés d’apprendre avec nous et vont beaucoup plus vite que les années précédentes. Ils sont dans la même classe, ce qui facilite la tâche.
Nayla : L’école par correspondance c’est bien parce qu’on a moins d’heures d’école. On apprend avec nos parents et nos frères et sœur. Une fois, on a fait l’école dans un arbre, et on apprend plein d’autres choses qui ne sont pas dans le programme. Moi je trouve qu’on est un peu fous !
Ilyan : L’école en voyage c’est beaucoup mieux parce que je n’aime pas trop l’école. On n’a que 3 heures de cours par jour. On apprend mieux parce qu’on a plus envie d’apprendre. On fait l’école n’importe où. Quelques copains me manquent mais j’ai tellement de choses à faire que j’arrive à les oublier.

L'école selon Ilyan

A ce jour, quels sont vos plus belles surprises et/ou souvenirs ?
Karine : L’expérience Ougandaise était particulière. Nous avons trouvé un village, qui, perverti par l’influence occidentale, a perdu toute liberté et toute autonomie. Nous avons donc interrompu notre séjour sur place et cela nous a permis de passer plus de temps à Kampala où nous avons rencontré une troupe de musique et danse traditionnelle, N’dere. Nous avons passé une journée avec la troupe pour la répétition de leur spectacle et c’était un moment fabuleux. Tous les artistes sont originaires de villages isolés aux 4 coins d’Ouganda et partagent leur passion dans une ambiance très gaie et vivante. L’imprégnation culturelle forte, la liberté du corps, le rythme, le sourire sur tous les visages, tout y était. Très peu de moyens et tellement de force !

Solen et le groupe de musique N'dere, à Kampala, en Ouganda
Solen et le groupe N’dere à Kampala, Ouganda

Oriane : Enorme coup de coeur pour le Vietnam, de belles rencontres en Inde… Je ne sais pas trop en fait, tout est si différent !
Solen : Beaucoup de choses très variées ; l’ambiance du village en Inde, la troupe de musique que j’ai enregistrée en Ouganda, l’initiative de développement du village au Vietnam…
Yanis : Le Vietnam est une belle surprise parce que l’on est à la fois dans un endroit magnifique, et dans des conditions plus faciles qu’avant (en Afrique, NDLR).
Nayla : La Casamance, on s’est fait plein d’amis, on était au milieu de la jungle, avec des animaux partout et des fruits dans les arbres.
Ilyan : La fête de Diwali en Inde, où tout le monde fait péter des pétards dans la rue.

Avez-vous, jusqu’à présent, eu de mauvaises surprises, été déçus, essuyés des coups durs ?
Ahmed : Pas vraiment, car même lorsque nous nous sommes retrouvés dans une communauté qui s’est avérée comme « faussement » autonome, nous avons finalement beaucoup appris sur ce qui avait conduit ce village à faire de tels choix et à mieux comprendre certaines dynamiques dangereuses en matière de développement. Comme le dit Amartya Sen (économiste indien et prix Nobel), « en matière de politique de développement, les erreurs tuent. »
Karine : Rien de bien grave. Le village en Ouganda, bien sûr, mais au profit de la découverte de N’dere, donc ce fut plutôt positif. A part ce petit contretemps, la nourriture est le plus dur à avaler ! A part au Vietnam où l’on se régale, nous avons surtout mangé du riz. Matin, midi et soir, beaucoup de riz et pas grand-chose d’autre car peu de produits accessibles dans les endroits où nous allons. Pour les amateurs de bons petits plats comme Yanis, c’est un peu difficile. Heureusement il y a les fruits. Mangues en Casamance, ananas en Ouganda et goyaves en Inde.
Solen : Comme tout le monde, le village en Ouganda a été une grosse déception. Aucune vraie relation avec les habitants. Il fallait « l’acheter ». Tout avait un prix et il fallait payer s’il on voulait faire quoi que ce soit, même visiter une maison.
Yanis : Le village en Ouganda a été très décevant à cause de son manque de contacts avec les villageois, et en constatant les méfaits d’un tourisme de luxe sur le lieu et ses habitants…
Nayla : En Ouganda, les gens demandaient tout le temps de l’argent et on n’arrivait pas à leur parler ou à jouer avec eux.
Ilyan : Les enfants en Ouganda me regardaient et me suivaient sans jamais me parler, et je n’ai pas réussi à me faire de copains.

Si chacun de vous 7 devait donner 1 seul conseil aux lecteurs qui ont peur de se lancer dans la belle aventure du voyage au long cours, quel serait-il ?
Ahmed : Faites la liste de toutes vos peurs. N’en oubliez aucune. Puis réexaminez-les une à une en vous demandant si ce que vous craignez ne pourrait pas se produire même si vous restiez tranquillement chez vous à regarder la télévision ou à voyager dans le monde sur TripAdvisor. Je fais le pari qu’aucune de vos peurs ne passera ce simple test.
Karine : Venez passer un petit séjour à Tizi n’Oucheg et chez nous quand nous serons rentrés, et vous n’hésiterez plus !
Oriane : Partez avec votre maman, elle fait des bons plats et s’assure que tout le monde à un toit sur la tête chaque nuit !

Karine et une petite fille de Duka, en Inde (à gauche) et Nayla et les écolières indiennes (à droite)
En Inde

Solen : Je suis parti à 19 ans, en dépression et sans avoir jamais travaillé de ma vie, à l’autre bout du monde pour 1 an. Si j’ai pu le faire, n’importe qui peut. Le meilleur conseil que je peux donner c’est d’être sociable, ne pas avoir peur de parler avec des inconnus. Toutes les opportunités partent de là.
Yanis : Quelle que soit l’expérience, elle ne peut qu’être positive. On revient plus riche de rencontres, de paysages, de moments inoubliables. Quand on voyage, il faut partir avec l’esprit ouvert et positif ; être prêt à tous types de surprises et bien prendre les choses, qui ne correspondent pas toujours à nos attentes.
Nayla : N’ayez pas peur. Partez avec vos parents, vous ne les verrez jamais autant !
Ilyan : Il ne faut pas avoir peur de partir en voyage parce que vous découvrirez des tas de choses que vous n’auriez pas vues autrement.

…Et si chacun de vous 7 devait donner 1 seul conseil de vie à nos lecteurs, quel serait-il ?
Ahmed : Quelque chose que Karine m’a appris : « Avoir confiance ». On ne s’assure pas contre la vie si on veut véritablement la vivre.
Karine : Allez discuter avec votre voisin. Ce n’est pas loin, vous avez certainement quelque chose à apprendre de lui et cela ne vous coûtera rien !
Oriane : Voyagez !
Solen : Allez voir vos voisins, ils vous apprendront plus que l’homme le plus instruit de chez vous.
Yanis : Chercher à vivre avec ce qui se fait localement et ce qui est accessible.
Nayla : Ne pas vivre enfermé, et profiter de toute la nature que l’on a autour de soi.
Ilyan : Pour être plus heureux, il suffit d’habiter dans un endroit où l’on a un beau paysage devant soi parce qu’on peut le voir à tout moment.

Oriane et les enfants d'Enampore, au Sénégal
Au Sénégal

Si vous souhaitez suivre les aventures de la famille Benabadji autour du monde, c’est par ici :
Facebook : www.facebook.com/OpenVillage20152016 (Edit : la page Facebook a été supprimée depuis l’époque où cet article a été rédigé)
Instagram : www.instagram.com/open_village
Le blog d’Ahmed, le papa : http://open-village-ahmed.blogspot.fr

Ce contenu a été vérifié et mis à jour le 1er novembre 2023.

3 commentaires

  1. Bonjour,
    J’ai connu Karine à Marrakech dans sa gonction de professeur, elle est arrivé à créer un lien entre l’école et le villagr berbère. Ce qu’elle et sa petite famille entreprennent est fabuleux…nous lui souhaitons d’agréables moments ee partage et de retour zux diurces

  2. Bonjour,
    Ahmed est un personnage hors du commun, dès que je l’ai croisé j’ai senti que c’est un consultant qui n’est pas comme les autres que j’ai croisé des milliers de fois.
    Ahmed, nous nous sommes rencontrés dans le cadre professionnel.
    Et puis de fil en aiguille j’ai lié d’amitié avec lui de part mon engagement et mes racines paysannes (ferme d’oliveraies, culture de blé, fèves, …).
    Je lui souhaite beaucoup de succès et de bonheur.
    Au plaisir de le voir dans la ferme de mes parents à coté de Fès (moyen Atlas).

    Driss CHOUKRI

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