Interview voyageurs : Johanna et Romain ont vécu le séisme au Népal, mais leur tour du monde continue

Ce mois-ci, c’est une « interview voyageurs » un peu spéciale que l’on présente. Cela fera bientôt 3 mois qu’une série de violents séismes a frappé le Népal, faisant plus de 8.000 morts et près du même nombre de blessés, laissant également 8 millions de personnes dans des conditions sanitaires extrêmement difficiles. Si Katmandou et sa vallée ont été durement touchés, les montagnes ont été ravagées, et certains villages totalement rayés de la carte. C’est le cas notamment dans la région du Langtang, célèbre pour ses treks, et où se trouvaient Johanna et Romain, un couple de voyageurs Zip World en plein tour du monde. A travers cette interview, ils nous racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont vécu, et pourquoi ils ont décidé de continuer leur tour du monde malgré cet événement plus que marquant.

Bonjour Johanna et Romain, quel était l’itinéraire que vous aviez prévu en entamant votre voyage ?
Nous avons traversé la Russie, de St Pétersbourg à Irkutsk avec le transsibérien. Puis nous sommes arrivés à Pékin, sommes ensuite allés à Hong Kong, puis près d’1 mois au Vietnam, près d’1 mois au Laos, quelques jours à Bangkok, et nous sommes arrivés au Népal. Nous devions y rester 3 semaines, puis partir pour la Birmanie, le Cambodge, la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, sur l’Île de Pâques, au Chili (nord), au Pérou, en Bolivie, en Argentine (nord), de nouveau au Chili (sud) puis de nouveau en Argentine (sud), avant de terminer par le Brésil.

Johanna et Romain au Vietnam, au début de leur tour du monde
Au Vietnam, au début de leur voyage

Le séisme au Népal est survenu au cours de la première moitié de votre tour du monde. Que s’est-il passé pour vous ce 25 avril 2015 ?
Nous étions partis pour le trek des Lacs de Gosainkund, l’un des nombreux treks que l’on peut faire dans le Langtang. C’était le 2ème jour de notre trek ; de Sing Gompa, on montait vers un autre village qui s’appelle Chalangpati, et c’est juste avant d’arriver dans ce village que l’on a entendu un gros grondement. Pendant quelques secondes, on s’est vraiment demandé si c’était des travaux, ou quelque chose comme ça… Après, ça s’est mis à gronder plus fort et ça a commencé à trembler doucement au début, puis de plus en plus violemment. On ne pouvait même pas tenir debout. A ce moment-là, on se trouvait dans une forêt de sapins, on voyait les arbres bouger de droite à gauche, c’était hyper impressionnant. Là, Romain m’a pris par le bras pour que l’on se mette à l’abris derrière un talus, pour pas que les arbres nous tombent dessus. On a attendu une minute, voire un peu plus, car le premier gros tremblement a duré 50 secondes. Puis quelques secondes après il y a eu une autre secousse, assez forte mais qui a duré moins longtemps. On est restés là, on a attendu. On a vraiment eu très peur, on a réellement cru que c’était fini. C’était impressionnant comme ça bougeait et comme ça grondait.

A ce moment-là, vous étiez seuls ?
Oui, nous étions partis en trek seuls, sans groupe et sans guide. Et il n’y avait personne d’autre sur le chemin de trek à ce moment-là. Ca a pris au moins 10 secondes avant que l’on comprenne que c’était un tremblement de terre. On s’est ensuite même demandé si c’était seulement nous – enfin à notre niveau, dans les montagnes – que l’on ressentait ça, si c’était vraiment un « gros » séisme, etc… On savait que l’on n’était pas loin du prochain village, alors dès que ça s’est un peu calmé, on s’est relevés, et on a essayé de marcher le plus vite possible. Il y a eu à ce moment-là un autre gros tremblement, on s’est donc de nouveau arrêtés et mis à l’abris. Il y avait plein de fissures sur le chemin de trek, et quand on est arrivés au village, tous les gens étaient dehors, il y avait des murs de maisons qui s’étaient effondrés, des maisons entières étaient effondrées même, les Népalais semblaient presque plus effrayés que nous. Les téléphones ne marchaient pas, on avait aucune information, alors on a attendu que ça se calme un peu, car il y avait toujours des secousses.

Chalang Pati au Népal, lors du séisme au Népal de 2015
Chalang Pati

Puis on a vu arriver des gens des villages au-dessus, nous disant que tous les lodges étaient détruits, qu’il fallait redescendre dans d’autres villages où c’était plus sûr. Alors on s’est joints à un groupe pour redescendre de là où l’on venait. Il n’y avait qu’une heure de marche, on espérait avoir plus d’informations là-bas. On a donc fait le chemin inverse, on a vu qu’il y avait des arbres parterre, des énormes fissures, des éboulements, on marchait assez vite car il y avait toujours des répliques. Quand on a atteint le village, il y avait déjà des trekkeurs qui étaient arrivés. On commençait à être nombreux, donc on s’est mis à monter des tentes pour ne plus rester dans les maisons ; dans le lodge où on avait dormi la veille, des murs s’étaient complètement effondrés. Il pleuvait et il y avait du brouillard, les conditions étaient assez difficiles. De plus en plus de monde arrivait en groupe toutes les heures depuis le col, et comme c’était un endroit assez plat et dégagé, avec rien qui pouvait nous tomber dessus, les gens restaient dans ce village. On a fait des feux, on avait de quoi manger car les lodges avaient encore de la nourriture, on a aussi pu avoir de l’eau. On a décidé de rester là, on était un gros groupe, on s’est tous raconté nos histoires, certains nous racontaient qu’ils s’étaient retrouvés au milieu d’une pluie de rochers, qu’ils avaient vraiment eu de la chance de ne pas s’en prendre un sur la tête. Ceux qui arrivaient du col racontaient qu’au niveau des lacs – normalement ce sont des lacs gelés –  toute la glace était fissurée, que les chemins de treks pour redescendre étaient impraticables.

Le premier soir on était peut-être une trentaine, le lendemain matin plusieurs ont pris la route jusqu’au prochain village qui était à 5h de marche. On hésitait beaucoup parce qu’on n’avait aucune information, il y avait un peu la radio, mais un coup on entendait que Katmandou était complètement détruite, qu’il n’y avait plus rien du tout, puis on entendait que finalement ça allait. On ne savait pas non plus si le prochain village était sûr ou pas, c’était donc très difficile de décider quoi faire. La première nuit on n’a quasiment pas dormi parce que ça tremblait toujours, il faisait froid, on était tous un peu sous le choc.

Camp de Sing Gompa, lors du séisme au Népal de 2015
Camp de fortune à Sing Gompa

Avec une quinzaine d’autres personnes, on a finalement décidé de rester. On s’est dit que l’on aurait peut-être plus d’informations le lendemain pour prendre la route. On a pu appeler nos parents car ce village-là avait des téléphones satellites qui fonctionnaient, on a aussi appelé l’Ambassade pour signaler où l’on se trouvait et pour demander des informations sur l’état des chemins de trek pour descendre jusqu’au prochain village. Mais comme il n’y avait plus du tout de réseau sur Katmandou, ils n’avaient aucune information, et il faisait tellement mauvais qu’aucun hélicoptère ne pouvait survoler la zone.

On a alors décidé de prendre la route le lendemain, le 3ème jour, car à Sing Gompa il faisait tout de même assez froid. En plus, le lodge nous faisait payer vraiment très cher, on a dû « batailler » dur avec eux pour qu’ils réduisent les prix – ne serait-ce que du bois pour faire le feu – parce que comme nous n’avions pas d’autre choix que d’être là, ils nous ont un peu allumé le premier soir. Certains étaient en trek depuis 10 jours et ils commençaient à ne plus avoir d’argent.

C’est donc au bout de 3 jours que vous avez quitté le village de Sing Gompa ?
Oui. Nous avons pris la route, nous savions qu’il n’y avait – normalement – que 3h de marche pour descendre jusqu’à Dhunche. Mais on en a mis 5, parce que les chemins étaient détruits. On a vu d’énormes éboulements, il y avait des maisons dont il ne restait plus rien du tout, c’était juste des tas de pierres, il y avait d’énormes fissures sur la route sur laquelle on marchait, et à un moment donné on a dû passer une zone d’éboulement. C’était terrible et extrêmement dangereux. Il y a eu une petite secousse quand on était en plein dedans ; on était vraiment dans un tas de pierre, donc si la secousse avait été plus grande ça aurait réellement pu être dramatique.

Sur le chemin entre Sing Gompa et Dhunche, lors du séisme au Népal de 2015
Maison effondrée entre Sing Gompa et Dhunche

Quand on est arrivés au village de Dhunche, il y avait des militaires, donc un camp avait été monté pour tous les touristes et tous les Népalais. On s’est dit qu’à partir de ce moment-là on ne bougerait plus, car on avait pris trop de risques, ne serait-ce que pour descendre jusque là. Et tant que personne ne pouvait nous donner des informations sur l’état de la route, on ne voulait plus marcher. Sur le camp, c’était un peu difficile, les militaires ne nous aidaient pas trop, ce sont les touristes qui sont venus nous expliquer comment cela se passait, comment on pouvait avoir de l’eau, où est-ce que l’on pouvait avoir à manger… Pour la tente, on a dû attendre toute la journée sans être sûrs que l’on en aurait une, car elles arrivaient au compte goutte. On était facilement 200 sur le camp et clairement il n’y en avait pas assez pour tout le monde. Le premier soir, ils ont ramené le corps d’une Espagnole qui venait de mourir en essayant de rejoindre le camp de réfugiés. Une heure après notre arrivée au camp, le mari de cette dame est arrivé avec son guide, et son guide a dû être mis sous perfusion car il était très choqué. On a vu cela 1 heure à peine après notre arrivée, et c’est à ce moment-là qu’on s’est dit qu’on ne voulait plus bouger ; elle est décédée en essayant de passer un éboulement, lors de son passage une pierre s’est décrochée et elle est tombée dans le vide. On ne voulait plus prendre de risques, même si cela devait arriver à une personne sur cent, c’est déjà trop. Le même soir, une jeune fille est morte dans les bras de son père. Ils avaient construit un hôpital de fortune sous une tente, car l’hôpital s’était effondré, du coup on voyait tous les blessés arriver, les gens pleurer. Ce père a pleuré pendant des heures, c’était juste avant d’aller dormir, c’était vraiment difficile. Ca a créé une ambiance très particulière, et durant cette première nuit, vers 3h du matin, quelqu’un s’est mis à hurler. J’arrive encore à l’entendre dans ma tête, c’était un cri effroyable. Du coup ça a paniqué tout le camp, car même si on a pas senti trembler, on s’est dit qu’il y avait peut-être un morceau de la montagne qui s’était décroché et qui était en train de nous tomber dessus, qu’il y avait le feu, enfin on s’est tout imaginé, donc tout le monde s’est mis à crier. En fait, il n’y avait rien, on a su plus tard que c’était « juste » un cauchemar.

Camp de Dhunche, lors du séisme de 2015 au Népal
Camp militaire de Dhunche

Combien de temps êtes-vous restés dans ce camp, à Dhunche ?
Nous sommes restés 4 jours à Dhunche, et 2 jours précédemment dans la montagne, à 3.300 mètres d’altitude. Au total, nous avons attendu 7 jours et 6 nuits avant d’être évacués à Katmandou en hélicoptère.

Comment s’est déroulée votre évacuation ?
Quand on est arrivés à Dhunche on a eu du réseau, donc on a appelé l’Ambassade tous les jours (parfois même 3 fois par jour) pour essayer de faire pression et de leur faire comprendre qu’il fallait qu’ils viennent nous chercher. Les premiers jours, aucun hélicoptère ne venait. Puis un jour, il y a 3 hélicoptères qui sont arrivés, dont un gros de l’armée qui faisaient des aller-retours.

Dhunche se trouve dans les montagnes, mais contrairement aux villages plus hauts, il y a normalement une route qui mène à Katmandou. Mais cette route-là a été partiellement détruite, donc les transports ne pouvaient plus venir. Certaines personnes prenaient cette route à pied pour rejoindre Katmandou, ce qu’on ne voulait pas faire car c’était trop risqué. Du coup les évacuations ont commencé du Langtang vers le camp militaire où l’on se trouvait ; pendant toute la journée ces 3 hélicoptères ont fait des aller-retours pour aller chercher des gens dans le Langtang et les ramener dans le camp de Dhunche. On s’est dit que c’était une bonne nouvelle s’ils commençaient les évacuations des personnes non-blessées.

Nous étions une vingtaine de Français sur le camp, et à force de les appeler, l’Ambassade a fini par envoyer un hélicoptère qui ferait 4 aller-retours pour nous ramener. Ils nous ont dit de nous tenir prêts dès 7h du matin le lendemain, mais on savait un peu comment cela se passait donc on ne se faisait pas trop d’illusion ; par exemple il y a des Canadiennes qui ont attendu pendant 3 jours que l’hélicoptère vienne les chercher, mais finalement il n’est jamais venu…  A 7h du matin le lendemain nous étions tous quand même prêts et parmi nous, certains avaient vécu des choses très difficiles, on ne voulait pas se battre, on savait qu’on allait tous partir alors personne ne s’est précipité et on a plutôt fait des groupes. On voulait que ce soit bien organisé quand les hélico arriveraient, et tout le monde a bien respecté ça. Ca s’est plutôt bien passé, mais c’est nous (le groupe entier) qui avons tout organisé, aucun représentant n’était là, et sur place, l’armée népalaise nous conseillait de partir à pied. Même le jour où les hélico sont arrivés, ils continuaient à nous dire que personne ne viendrait nous chercher, qu’il fallait que l’on parte à pied. Ils voulaient sans doute que l’on quitte le camp rapidement, les conditions sanitaires commençaient à se dégrader étant donné qu’il n’y avait pas de toilettes les gens allaient un peu partout, on ne savait pas trop d’où venait l’eau, il y avait eu des inondations à cause de la pluie, des gens commençaient à être malades, et des déchets médicaux – type seringues, compresses avec du sang – avaient été jetés à l’air libre à 2 mètres du camp. Les militaires avaient sans doute peur qu’il y ait un début d’épidémie de choléra, ou quelque chose comme ça.

Une fois rapatriés à Katmandou par hélicoptère, comment les choses se sont passées pour vous ?
On a été pris en charge jusqu’à l’Ambassade. Sur place, il y avait un médecin, quelqu’un pour nous recenser, mais aussi pour nous aider à regagner la France. Parce qu’en fait il n’y avait plus d’avion français de prévu, on est arrivés trop tard – soi disant – donc ils essayaient de nous trouver des vols via d’autres pays, comme l’Angleterre, l’Italie ou l’Inde. Il y avait beaucoup de vols gratuits pour l’Inde. L’Inde a d’ailleurs été très actif et efficace face au séisme ; on pouvait venir en Inde gratuitement pour 7 jours, afin de pouvoir aller à Delhi et prendre un avion pour la France. Ils ont tout de suite envoyé des hélico, ils ont très rapidement mis en place les vols gratuits, etc…

Mais avant de quitter le pays, nous sommes allés à l’Ambassade anglaise avec Anne-Laure, une autre Française rencontrée sur le camp, car nous avions tout de même laissé 4 personnes là-bas, au camp de Dhunche. Il s’agissait d’ailleurs principalement d’amis d’Anne-Laure. Il y avait 2 Anglais, 1 Canadien et 1 Polonais. Les circonstances ont fait que nous sommes devenus très liés, très soudés, nous pouvions compter les uns sur les autres. On ne pouvait pas les laisser seuls là-bas. On savait que les Ambassades canadienne et polonaise ne feraient rien pour venir chercher leurs ressortissants (c’est ce qu’elles avaient déclaré à un moment donné). Alors nous nous sommes rendus à l’Ambassade anglaise pour leur dire que 2 Anglais et d’autres personnes attendaient d’être évacués, et qu’il fallait faire au plus vite car les conditions sanitaires étaient mauvaises. Nous avons demandé à parler à un officier de l’armée anglaise car la première personne en face de nous n’était pas du tout réceptive. L’officier à tout noté, on lui a précisé qu’il y avait également beaucoup de Népalais coincés là-bas, et le lendemain, un énorme hélicoptère népalais a été envoyé sur demande de l’Ambassade anglaise.

C’est après cela que vous avez cherché à quitter le Népal ?
Oui. On a appris par l’Ambassade qu’il y avait un vol pour Kuala Lumpur, on est donc vite partis à l’aéroport. Finalement le vol était déjà plein, mais on a su après qu’il y avait un autre vol – de l’armée britannique – pour New Delhi, donc nous sommes restés à l’aéroport. Finalement, il n’a pas été autorisé à atterrir parce qu’ils ne lui trouvaient pas de créneau, donc on a dormi sur place à l’aéroport. Le lendemain matin, ce vol était annulé, donc on est retournés dans Katmandou, on est allés sur le camp français qui était à l’école française, et c’est là qu’on a contacté Zip World pour que vous nous trouviez un vol pour Bangkok.

Comment se sont passées les relations avec les Népalais ?
Parmi les autres touristes présents sur le camp de Dhunche, il y en a certains pour qui ça s’est très mal passé avec les Népalais dans les montagnes. Pour d’autres ça a été totalement l’inverse, il y a beaucoup de guides qui ont d’ailleurs sauvé des vies. Pour nous ça a été un peu mitigé ; la dame chez qui on était dans le premier village était très gentille, mais en même temps, elle venait parfois nous faire payer le double du prix parce qu’elle savait qu’on avait pas le choix d’être là. Ce n’était pas juste, on essayait de lui expliquer que lorsque l’on a construit la tente, ce n’était pas juste pour nous, c’était aussi pour qu’eux puissent s’abriter. On lui expliquait qu’il fallait que ça marche dans les deux sens… Parce que sinon, dès que l’on aurait plus d’argent, elle nous mettrait dehors ? Ce n’était pas pensable dans ces conditions… Sur le coup, elle nous a répondu « eh ben partez ! ». Mais il y avait la fatigue, les nerfs, ses 3 enfants n’étaient pas à la maison. Son mari est alors allé lui parler et il est revenu nous voir en disant que l’on pouvait rester. Ca s’est très bien arrangé, le soir elle était super gentille, elle nous a fait un super repas. C’était assez contradictoire, mais je pense que c’est plus les nerfs qu’autre chose.

Et par exemple, sur le camp de Dhunche, il y avait un petit stand tenu par des Népalais qui faisaient à manger pour vraiment pas cher. Ils avaient tout perdu et ils avaient le sourire, ils étaient adorables avec tout le monde, ils disaient « c’est pas grave, on va tout refaire pierre par pierre, ce sera plus solide ». Les militaires ne distribuaient pas d’eau et pas de nourriture, donc ce sont les Népalais qui ont organisé un espèce de resto-cantine pour le camp, où ils préparaient des repas basiques vraiment pas chers pour que tout le monde puisse au moins manger 1 fois par jour un vrai repas.

Comment avez-vous pris la décision de continuer votre voyage et de ne pas rentrer en France ?
Au total, on aura passé 9 jours, coincés là, entre le 1er jour du séisme et le jour où l’on a pu quitter le Népal. Durant ce laps de temps, ça a tremblé au moins 1 fois par jour. Mais nous finalement, ça allait. On savait qu’on allait pouvoir repartir. Mais pour ceux qui restaient, il y avait beaucoup d’incertitudes ; est-ce que ça va continuer à trembler comme ça ? Qu’allaient-ils devenir ? Pour tous ces Népalais qui avaient tout perdu, eux ne pouvaient pas partir ; c’est leur business qu’ils ont perdu, leur maison, des proches, des êtres chers… Pour nous c’était dur, ça remet beaucoup de choses en perspective, c’est vrai, mais on eu a la chance de ne rien avoir, de ne pas être blessés, d’être en bonne santé, d’avoir seulement eu peur. En comparaison avec ceux qui ont perdu quelqu’un ou leur maison, ce n’était pas grand chose.

Mais à ce moment-là, après notre rapatriement à Katmandou, nous étions un peu perdus. On ne savait pas si c’était bien de quitter le pays, on a hésité à rester pour aider. C’est le fait que ça continue de trembler qui nous a décidé à partir, en fait. Mais on sait qu’on y retournera pour aider, pour visiter, vu comment ça a été détruit – notamment dans les montagnes – la reconstruction ne va pas prendre 2 mois et ils auront besoin d’aide dans 6 mois, dans 1 an… On voulait presque aller en Inde pour ne pas être trop loin du Népal, car il y a quelque chose qui nous rattache à ce pays maintenant, et en même temps on se disait, pourquoi ne pas aller en France 2-3 semaines pour rassurer nos familles ? Finalement, on savait que si l’on rentrait, ça aurait été compliqué de repartir. Alors on a décidé d’aller à Bangkok parce qu’on connaissait un peu, vu qu’on y avait passé 10 jours avant d’arriver au Népal ; on y avait des repères, et on avait besoin d’un endroit où on se sentirait bien pour quelques jours. De là on s’est dit qu’on allait vivre un peu au jour le jour, on avait le droit de rester 30 jours en Thaïlande. On voulait vraiment faire de la plongée, alors on est allés à Koh Tao, et ça nous a vraiment beaucoup changé les idées car on était concentrés sur autre chose pendant 6 jours. De là on s’est dit que ça serait bien que l’on « finisse » l’Asie et de fil en aiguille, on a eu l’envie de continuer notre tour du monde, l’Amérique latine nous tenant vraiment à coeur. On est en bonne santé, il ne nous est rien arrivé de grave, on a encore de belles choses à vivre, on n’a rien perdu, on a nos maisons, nos familles et rien que pour cela, on se devait de continuer et d’aller jusqu’au bout.

Johanna et Romain durant leur semaine de plongée à Koh Tao, en Thaïlande
A Koh Tao, Thaïlande

Pensez-vous que cet événement va changer la manière dont vous allez appréhender la suite de votre voyage ?
Oui. Je crois que l’on va vivre davantage au jour le jour. On était déjà pas très organisés à la base, mais maintenant, si on a envie de rester dans un endroit et de ne pas voir le suivant, ce n’est pas grave ; si on ne visite pas tout, ce n’est pas grave non plus… On veut juste essayer de retirer quelque chose de ce que l’on fait, ce sera moins la course à la visite, on profitera sans doute plus de l’endroit, des gens et de l’atmosphère des lieux.
Pour la suite, on a – pour être honnêtes – davantage regardé les régions sismiques… Là on va deux mois en Indonésie, on sait que c’est un pays où il y en a énormément. C’est exactement pareil pour le Chili… Mais on n’a pas envie de vivre avec toujours cette idée en tête, on ne veut pas non plus devenir parano et s’empêcher d’aller dans certains pays. Le risque zéro n’existe pas. Mais notre peur est réelle ; et il nous arrive toujours d’avoir des sursauts quand on entend un truc gronder ou quand quelque chose tremble – même un parquet. Alors par exemple, le volcan Ijen (en Indonésie), je ne suis pas sûre d’avoir envie d’y aller maintenant, ça me fait vraiment peur, car on descend dans le cratère. Ce qui est sûr, c’est que cette peur ne nous empêchera pas de faire des choses, mais on les fera différemment.

Johanna et Romain en Thaïlande
En Thaïlande

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Ce contenu a été vérifié et mis à jour le 9 novembre 2023.

3 commentaires

  1. C’est le premier vrai témoignage que je lis depuis le tremblement de terre…
    J’y étais aussi et malgré des recherches sur internet, je n’ai trouvé que les articles de journalistes à la recherche de sensationnel… Sans intérêt donc.
    Bref, ça fait du bien (en quelque sorte) de lire ce que les autres ont vécu, comme vous, Johanna et Romain.
    J’imagine très bien à quel point ça devait être dur en montagne! Moi j’étais à Katmandou quand c’est arrivé et aujourd’hui encore, j’en reste bien marquée…
    J’ai fait le choix de continuer mon voyage plutôt que de rentrer en France, comme vous, et je pense que c’était la meilleure décision car j’aurai probablement très mal vécu mon retour.
    Si ça vous intéresse, j’ai écrit un article pour en parler: http://www.zetravelerz.com/2015/10/tremblement-de-terre-nepal/
    A bientôt!

    1. Merci pour ton témoignage et le lien de ton article. On image à quel point cela a dû être traumatisant. C’est courageux d’avoir continué… Peu de chance que Johanna et Romain tombent sur ton commentaire, donc peut-être que tu pourrais les joindre directement via leur blog ou leur page Facebook. Les liens sont dans l’article ! Bon courage et bonne continuation à toi ! A très bientôt !

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